Une carte blanche de Patrick Smets, publiée dans La Libre Belgique du samedi 5 janvier 2013.
Si la question des déficits publics est aujourd’hui au cœur de l’actualité, le problème de la dette elle-même reste tabou. Chacun veut croire que, moyennant une légère amélioration des finances publiques, la Belgique finira bien par rembourser sa dette sur le long terme. En réalité, quelques calculs simples permettent de se rendre compte qu’il est impossible d’éviter le défaut souverain.
L’illusion du remboursement
La dette actuelle de la Belgique dépasse les 350 milliards d’euros pour une durée moyenne de 5 ans. Oublions tout de suite de rembourser cette dette à l’échéance. Le remboursement ne peut s’envisager qu’à long terme, par exemple sur 20 ans.
Dans ce scénario, outre le montant brut de la dette, il faut tenir compte des intérêts, qui continuent à courir pendant la période de désendettement, et également de l’élimination des déficits annuels, pour ne pas réemprunter d’un côté ce qu’on rembourse de l’autre. En détournant un calculateur hypothécaire, avec un taux à 20 ans de 3 %, chacun peut se faire une idée de l’effort budgétaire nécessaire. On parle de plus de 23 milliards par an auxquels il faut rajouter les 10 milliards de déficit annuel à supprimer, soit 33 milliards par an au total. Le gouvernement est donc condamné à 20 ans d’austérité radicale où un tiers des recettes fiscales seront uniquement consacrées au remboursement de la dette.
Quels que soient les partis au pouvoir, un tel effort, 10 fois plus important que celui du dernier budget, apparaît politiquement irréaliste. L’option du remboursement est donc tout simplement illusoire.
Le piège de la croissance
D’ailleurs, les experts ne parlent jamais d’un remboursement et visent plutôt un désendettement relatif, c’est-à-dire la diminution du rapport entre le montant brut de la dette et le PIB. Il n’est jamais question de réduire la dette, mais seulement de maintenir l’augmentation de la dette au-dessous de l’augmentation du PIB.
Sur ce point, une grande règle se dessine (modèle de Domar). Pour qu’il y ait désendettement sur le long terme, il faut que le taux de croissance de l’économie se stabilise au-dessus du taux d’intérêt auquel emprunte l’État. Aujourd’hui, avec les taux d’intérêt historiquement bas que nous connaissons, certains s’imaginent qu’une relance économique permettrait ce désendettement.
Hélas, les taux sont bas parce qu’il n’y a pas de croissance. Les investisseurs s’orientent sur les obligations d’État pour se protéger d’une récession. Dès lors que l’économie repartira, les taux se remettront à augmenter pour trois raisons : relèvement des taux de la BCE, retour des investisseurs vers les actions et anticipations des effets inflationnistes de la reprise. Il y aura donc une sorte de course de vitesse entre le taux de croissance du PIB et les taux d’intérêt, la hausse du premier faisant augmenter les seconds.
À moyen terme, si la BCE parvient à contrôler l’inflation, les taux d’intérêt se stabiliseront sans doute dans les alentours de 4 ou 5 %. Pour apurer notre dette par la croissance, il faudrait donc que l’économie belge se mette à croître de plus de 5 % par an ! Ce serait certainement une merveilleuse nouvelle, mais est-ce bien sérieux de compter sur une telle croissance alors que depuis 20 ans, notre taux de croissance moyen est de 1,1 % ?
Le danger de l’hyperinflation
Étant incapables de rembourser leur dette, et ne pouvant pas sérieusement compter sur la croissance pour leur venir en aide, les gouvernants caressent régulièrement une autre idée particulièrement malsaine : relancer l’inflation. En effet, comme toute personne qui a un prêt hypothécaire le sait, l’inflation avantage le débiteur aux dépens du créancier. Les mensualités restent constantes alors que la monnaie se déprécie, et donc relativement, la dette diminue.
Dans le cas de la Belgique, cette méthode est vouée à l’échec, car la dette est de courte durée (moyenne de 5 ans). Tous les ans, nous devons faire rouler nos échéances en réempruntant ce que l’on est incapable de rembourser. Le retour de l’inflation aura un effet immédiat sur les taux d’intérêt qui vont exploser. Ce sera le grand plongeon pour nos finances publiques, avec une hausse des déficits et donc des sommes à financer et un retour de l’effet boule de neige. Seule une fuite dans l’hyperinflation permettrait de prendre le marché de vitesse. Qui osera prétendre qu’il s’agit là d’une solution ?
Que faire ?
Chacun dans ce pays doit réaliser la situation dans laquelle nous nous trouvons. Il est concrètement impossible de rembourser la dette publique. Le défaut souverain de la Belgique est donc inévitable. Bien sûr, nous en ignorons la date, mais nous savons tous au fond de nous qu’il aura lieu un jour ou l’autre. Le choix qu’il nous reste est donc le suivant. Allons-nous nous enfouir la tête dans le sable en espérant que le système tienne quelques années de plus ? Ou allons-nous prendre les devants en profitant d’une situation encore plus ou moins stable ?
Il n’existe aucune manière de rendre ce défaut indolore. Mais en changeant radicalement notre politique économique, nous pourrions arriver à faire face au choc. Un grand plan de privatisations fournira à l’État les liquidités nécessaires au maintien de ses fonctions essentielles. En parallèle, une diminution drastique des impôts et des dépenses publiques permettra de lancer une nouvelle vague d’entrepreneurs qui, à moyen terme, offriront un relais à la croissance.
Si nous ne traînons pas, nous pouvons encore organiser une annulation ordonnée de la dette. Mais bientôt, il sera trop tard. Acceptons donc de solder les politiques du passé et ouvrons au plus vite une nouvelle ère de liberté et de prospérité.
@Patrick Smets
Je vous félicite de votre courageuse action politique. L'analyse libertarienne de la société et de l’État est, amha, la seule qui dit vrai. Elle refuse les compromissions avec le mensonge politique ambiant, omniprésent.
Je considère que l’État ne représente pas le pays. L’État est une mafia, il est cancer sur un pays. Il ne faut donc pas confondre l’État français et la France. De même il ne faut pas confondre l’État belge et la Belgique.
Lorsque les journalistes cesseront d'entretenir cette confusion mensongère, les citoyens crédules cesseront de croire "l’État, c'est nous". L’État est l'ennemi du citoyen, l'ennemi du pays. Ne confondez pas le bourreau et sa victime.
N'abondez pas dans cette confusion entre l’État et le pays. Dites "l’État belge a une dette", et non pas "la Belgique a une dette". Ce sera un pas pédagogique supplémentaire pour expliquer à vos compatriotes que l’État usurpe sa représentation. Que l’État n'est pas la nation, mais que l’État occupe illégalement le pays.
Allez jusqu'au bout de la logique libertarienne. C'est la condition pour être logique avec le bon sens commun, une logique que tout le monde possède. Il ne faut plus accepter la magie noire des croyances étatistes.
Oui, c'est vrai. Je ferai plus attention à l'avenir. Difficile de se débarrasser des tics langagiers.